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Cadre théorique : Réinvestir les non-lieux

Cadre théorique : Réinvestir les non-lieux

 

En design urbain, tout comme en architecture,  il est essentiel de saisir l’importance et le concept derrière les principes de lieux et de non-lieux. Steven Kent Peterson  (1980) qualifie ces non-espaces - les non-lieux - comme étant indifférenciables les uns des autres, généraux, indéfinis, continus et ouverts. À l’opposé, les espaces - les lieux - à proprement dit, sont considéré comme formant un volume nettement différentiable par rapport à son contexte, identifiable dans sa configuration en tant que forme ainsi que discontinu, tout en étant fermé et constant. À l’échelle de la ville, les non-lieux sont sous-utilisés et ils sont généralement en piètre état ou en état de détérioration constant. Malgré tout, ils présentent un potentiel d'opportunités exceptionnelles pour remodeler un centre urbain.

Les non-lieux urbains contemporains constituent généralement les rives côtières abandonnées, les zones ferroviaires, les sites militaires vacants et les zones industrielles complexes ayant été délocalisées au fil du temps. (Trancik, 1986) Ces non-lieux sont généralement mal définis, et ne présentent souvent que très peu de frontières nettes empêchant du même coup une connexion cohérente avec les autres éléments contigus du paysage. Cependant, depuis des dizaines d’années, les non-lieux les plus significatifs dans l’ensemble des villes du continent américain sont des zones peu utilisées, des déserts urbains répandus le long des autoroutes, et dont personne ne se soucis suffisamment pour les aménager ou les entretenir convenablement. Ces non-lieux forment des espaces résiduels sous les autoroutes, des espaces indésirables qui nécessitent une importante remise en valeur qui pourrait leur permettre alors de contribuer à un environnement agréable pour les usagers. Trancik (1986) stipule clairement dans son ouvrage intitulé “Finding Lost Space” que cinq facteurs principaux ont contribué à la formation de non-lieux dans les villes.

  1. L’augmentation de la dépendance à l’automobile;

  2. L’attitude des architectes du mouvement moderne envers les espaces ouverts (open space);

  3. Le zonage et les politiques d’usages qui ont divisé la ville lors de la période du renouvellement du territoire urbain;

  4. La réticence des institutions  publiques et privées d’assumer la responsabilité de l’environnement public urbain;

  5. L’abandon des sites industriels, militaires et de transport au cœur des villes.

Le premier facteur, celui de la dépendance automobile, a manifestement eu le plus d’impact dans la réalité urbaine américaine. Les autoroutes et les espaces de stationnements ont gagné en importance et redessiné le paysage urbain, alors qu’ils constituent le principal élément d’espace ouvert dans la ville. Ces infrastructures ont été développées principalement dans le but d'offrir un potentiel de croissance économique et de défense militaire à l’échelle du pays et du continent entier. Sous la gouvernance de la société d’État, la mise en place de ses structures de transport a gagné en importance dans les dernières décennies sans égard à l’aspect social de l’aménagement du territoire, n’hésitant pas à exproprier des résidents au profit de routes automobiles inappropriées à l'utilisation piétonne. 

“La mobilité, le mouvement et l’automobile sont devenus des outils pour l’isolation.” (Trancik, 1986)

Les autoroutes et leurs vastes infrastructures quasi infranchissables limitent intensément le transit d’un côté à l’autre de l’environnement qui l’entoure tout en affectant l’expérience et la façon dont le piéton perçoit la ville. (Hyder Chohan, 2014) Cependant, dans le cas d’une autoroute surélevée, la possibilité de traverser celle-ci au moyen d’une route transversale passant sous la voie rapide permettrait de joindre les lieux auparavant dissociés. Ces espaces bien connus que constituent les viaducs sont bien souvent sous-développés, malgré leur potentiel d’être transformé en corridor de transition majeur dans ville, ou en lieu de rassemblement ou encore en espace récréatif pour les habitants du quartier, tout en étant étroitement intégré à l’autoroute surélevée et l’environnement rapproché. (Irizarry, 2003) Ces non-lieux sont perçus comme des espaces négatifs, austères et même parfois périlleux. Il a été démontré que les raisons dues à une perception si négative du lieu étaient liées au mauvais entretien de l’espace, un mauvais éclairage, et une mauvaise visibilité de l’espace à partir des rues avoisinantes. (Hyder Chohan, 2014) Cette vision est aussi alimentée par le fait que ces endroits peuvent abriter des sans-abris et des gens mal intentionnés puisque ces espaces sont couverts et protégés du soleil et de la pluie. (Efe et al., 2016) Cependant, les architectes et designers urbains sont généralement conscients du large potentiel de ses espaces. Ces espaces qui connectent les lieux urbains peuvent présenter de nombreux design, et s’ils sont adéquatement conçus, leurs aspects sombre, froid et dur laisseront place à un caractère beaucoup plus invitant et intéressant pour la population.

 

Ces espaces jouent un rôle majeur pour lier des régions entre elles, donc elles devraient être mieux analysées et considérées pour des usages passifs ou actifs. Étant situé sous des voies rapides fortement achalandées, cela implique que les bruits, la vibration, la poussière, la sécurité et les qualités visuelles devront être pris en considération. (Efe et al., 2016) Les viaducs et dessous de ponts peuvent abriter plusieurs usages variés comme des espaces de marchés, des cafés, des terrains de sport, des places de stationnement, des aires de divertissement ou même des scènes extérieures, une salle de cinéma et de petits centres commerciaux. Certains viaducs seraient même adaptés à la construction de maisons, de commerces ou d’ateliers permettant aux gens moins nantis d’avoir un espace temporaire où vivre plus confortablement, en plus de régler une partie de la crise d’habitation. (Hyder Chohan, 2014) Ces “non-lieux” menaçants, espaces de transit sans identité propre, ont le potentiel de devenir des lieux rassembleurs, artistiques et culturels, tout en étant résilients et adaptés à l’environnement urbain qui les entoure. (Efe et al., 2016)

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Schéma de réaménagement de dessous d'autoroute situé à Miami  | Source : https://inhabitat.com/

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